C'est la rentrée ! Presque deux ans que je n'avais rien publié. Entre le boulot (eh oui, les profs bossent) et mes activités extraprofessionnelles, je n'avais pas beaucoup de temps à consacrer à l'écriture. Mais comme on prend toujours des bonnes résolutions en début d'année (scolaire dans mon cas, d'ailleurs j'ai même rangé mon bureau, ce qui est très rare), je me suis enfin décidé à m'y remettre. On commence doucement avec ce texte certes long, mais qui ne m'a pas demandé trop de travail, puisqu'il s'agit d'une version à peine remaniée d'une conférence donnée il y a quelques mois devant le Cercle d'Histoire de la vénérable Société de Lecture de Lyon (ce qui explique d'ailleurs le fait que je ne cite pas toutes les sources : à l'oral, c'est vite rébarbatif). L'avenir nous dira s'il s'agit d'un one shot ou si je vais vraiment avoir le temps et le courage de me remettre à alimenter ce blog...
Ah oui ! Bien sûr, ça parle d'Edouard ;)
Edouard Herriot vers 1905-1910, peu de temps après son élection à la mairie de Lyon
Arrivé à Lyon en 1895, jeune professeur de lettres chargé de
créer une Khâgne au lycée Ampère, Edouard Herriot rencontre rapidement les
milieux radicaux lyonnais, en fréquentant les conférences dreyfusardes, où il
fait la connaissance de celle qui deviendra Mme Herriot, Blanche Rebatel, fille
du président du Conseil Général du Rhône, le Docteur Fleury Rebatel. Cette
fréquentation du « monde » lyonnais, associée à celle de son collègue
l’historien Sébastien Charléty, lui permet de comprendre assez rapidement ce qui
fait la spécificité de Lyon.
Tout d’abord, la cité se distingue par une identité forte et
ancienne, celle d’une ville fondée au Ier siècle avant notre ère, capitale bancaire
de l’Europe de la Renaissance, place forte du premier capitalisme avec
l’industrie de la soie, ce qui lui vaut un peuplement important et ancien, avec
150 000 habitant à la veille de la Révolution, 500 000 au tournant du
XXe. Ensuite, elle est marquée par des clivages politiques hérités de la
période révolutionnaire, étudiés par Bruno Benoit dans L’identité politique de Lyon, qui se traduisent notamment par un
rejet des extrêmes, qu’ils soient rouges, noirs ou blancs.
Cette fréquentation des milieux radicaux lui vaut d’être
repéré par le socialiste indépendant Victor Augagneur, maire depuis 1900. Il
entre au Conseil Municipal en 1904, et devient adjoint à l’éducation. Lorsqu’il
est nommé à Madagascar, c’est ce jeune et brillant professeur, dont personne
n’imagine qu’il préférera Lyon à la Sorbonne, qu’il choisit pour lui garder la
place au chaud (plutôt que Godart, trop lyonnais).
Plus souple et moins intransigeant qu’Augagneur, Herriot se
coule progressivement dans son fauteuil de maire. Conscient de l’influence des
milieux catholiques, il sait rester mesuré dans l’application de la loi de
séparation, notamment au moment des inventaires (ménage les Chartreux).
Le second mandat, de 1908 à 1912, est celui de l’affirmation.
Herriot développe une politique personnelle appuyée sur la compréhension des
particularismes lyonnais évoqués plus haut.
Ainsi, alors qu’il se situe clairement à la gauche de
l’échiquier politique national, il se place à Lyon hors du clivage
gauche/droite annonçant la « coalescence des centres » de la fin de
mandat. En outre, il s’inspire de l’identité lyonnaise, qu’il met en avant,
notamment avec la préparation de l’exposition de 1914, confiée à l’hygiéniste
Jules Courmont, qui marque le retour d’une identité économique forte, d’autant
que le choix est fait de nouer des partenariats avec l’Allemagne et
l’Angleterre… mais pas avec Paris.
Tout cela permet donc à Herriot de triompher en 1912 d’Augagneur,
venu reconquérir sa place. Il tient désormais fermement le pouvoir politique
avec la mairie, et gagne l’appui du pouvoir économique local, la Chambre de
commerce approuvant l’exposition (il lui offre d’ailleurs aussi la Foire aux
échantillons en 1916), et du pouvoir religieux, qu’il a su ménager.
A l’aube de la Grande Guerre, Herriot a ainsi su consolider
sa stature de grand homme politique local, comme le confirme son élection au
Sénat en 1912. C’est son action pendant le conflit qui va lui permettre de
devenir une figure importante à l’échelle nationale, de devenir ministre en
décembre 1916 et d’être élu dès 1919 député et président du parti radical.
Couverture d'Agir, programme politique publié par Herriot en 1917
Edouard Herriot lui-même a beaucoup écrit sur cette période,
qui a été pour lui l’occasion d’affirmer les deux grands axes politiques
entrevus lors de ses premiers mandats, le socialisme municipal, initié par
Augagneur, qui continue de guider son action locale, et une politique de
rayonnement de Lyon, incarnée par la Foire à partir de 1916.
Ainsi, en 1917, le maire de Lyon publie son programme
politique, Agir, recueil de textes
écrits depuis le début de la guerre, où il tente de trouver les solutions aux
problèmes sociaux et politiques de la France en guerre, avant de dresser
quelques perspectives pour l’après-guerre. Le dernier chapitre est
intégralement consacré à la Foire aux échantillons, dont la première édition
vient de s’achever.
La Première Guerre tient aussi une place relativement importante
dans ses mémoires, Jadis, publiées entre 1948
et 1952, où elle ouvre le 2e tome.
A la lumière de ces éléments, nous nous proposerons donc de
répondre à deux questions complémentaires. Tout d’abord, comment l’action
d’Herriot pendant la guerre contribue-t-elle au rayonnement de Lyon ?
Comment cette action – principalement à Lyon, puisqu’on sait que ses
expériences ministérielles sont des échecs relatifs –, permet-elle dans un
second temps au jeune maire d’accéder au rang d’homme politique d’envergure
nationale ?
Pour traiter ces questions, nous nous proposons de procéder à
un examen thématique des politiques menées par Herriot, en examinant
successivement les actions à destination des soldats et celles qui visent
l’arrière – en l’occurrence : Lyon.
Agir pour
les soldats
L’action municipale d’Herriot est d’abord dirigée vers
ceux qui sont le plus directement concernés par la guerre : les
combattants.
On distinguera les actions en
faveur des prisonniers, qui ne se trouvent pas à Lyon, et les mesures prises
pour aider les blessés et mutilés de guerre, pour lesquels Lyon est l’un des
principaux lieux d’accueil et de convalescence.
Les
prisonniers de guerre
Dès 1915, Lyon se préoccupe du sort des prisonniers de guerre
français. Herriot intitule une partie d’Agir,
datée du 2 mars 1915, « Pour les prisonniers de guerre ». Il y relate
la mise en place d’un service d’expédition
de courrier et de colis, centralisé à l’Hôtel de Ville, dont il préconise
la généralisation dans les grandes villes et les préfectures. Dans un premier
temps, on procède à un recensement des prisonniers permettant de les localiser,
à partir des renseignements fournis par l’armée. Les familles peuvent ainsi
venir poster courrier et colis. A cela, s’ajoute un service de renseignements
qui tente de réunir des informations sur le sort des prisonniers. A partir du
mois d’avril (« Organisation du secours aux prisonniers », 20 avril
1915), la mairie de Lyon organise aussi l’envoi de colis aux prisonniers sans
famille ou dont les familles ne peuvent en envoyer.
Lyon est aussi, entre 1915 et 1919, l’une des plaques
tournantes des échanges de prisonniers entre les belligérants, via la Suisse et ses organisations
humanitaires, échanges qui concernent essentiellement les grands blessés. Les
gares lyonnaises voient ainsi passer 161 convois en 4 ans, représentant 90 000
rapatriés. C’est un outil de propagande pour le gouvernement : Alexandre
Millerand, ministre de la guerre, demande ainsi en juin 1915 à Justin Godart et
au général Goigoux, commandant de la place de Lyon, d’organiser une cérémonie
fastueuse à la gare des Brotteaux pour accueillir les rapatriés. René Benjamin, prix Goncourt 1915,
écrit ainsi que « lorsqu’un train de grands blessés arriv[ait] d’Allemagne
à Lyon, c’est là que le cœur de la nation palpit[ait] »
Edouard Herriot et Emile Combes attendant un convoi de prisonniers à la gare des Brotteaux
Les blessés
Ces convois
de rapatriés permettent de faire la transition avec le 2e grand axe
de la politique lyonnaise d’aide aux combattants : l’aide aux blessés.
Bien sûr,
l’accueil de blessés de guerre n’est ni un phénomène proprement lyonnais, ni
une initiative d’Herriot. Mais Lyon se distingue par les initiatives en faveur
des blessés et mutilés, qui sont le sujet d’1/4 des chapitres de la partie d’Agir consacrée à l’action pendant la
guerre.
Herriot
expose son point de vue dans une adresse au ministre de la Guerre intitulée
« Plus d’invalides ! », datée du 31 décembre 1914. Les soldats
blessés ou mutilés ne doivent pas être systématiquement être envoyés à
l’hospice pour le restant de leurs jours comme c’est la pratique. Il faut les
aider à se réintégrer, d’abord en les soignant, puis en leur réapprenant un
métier.
Ainsi, ce ne
sont pas moins de 30 hôpitaux qui soignent les blessés de guerre à Lyon. Plus
de 350 000 blessés y sont accueillis sur la durée du conflit, avec des
lieux symboliques comme le nouveau lycée du Parc, premier grand aménagement de
l’ère Herriot, avec les bâtiments de l’exposition à Gerland, tout juste sorti
de terre et aussitôt reconverti en hôpital militaire.
Dans le même
temps, Lyon est à la pointe d’un mouvement de réintégration des blessés et
mutilés, dont Herriot fait une des ses priorités. Des écoles d’apprentissage
pour les mutilés sont ainsi fondées avec l’aide du docteur Carle, sur le modèle
de celle de Charleroi, qu’Herriot a visitée en 1913. L’école de la rue Rachais
ouvre dès le début 1915, avec des financements à la fois publics et privés, et
le soutien de Barrès, malgré la distance politique qui le sépare d’Herriot. Il
faut se souvenir ici que les deux hommes se sont connus jeunes, une des tantes
d’Herriot ayant été la gouvernante de Barrès.
Herriot exprime
ainsi son désir de « faire comprendre [au mutilé qui désespère de
retrouver un emploi] qu’il existe pour lui des écoles professionnelles […] où
il sera reçu, nourri et logé gratuitement, en conservant pour lui le revenu de
sa pension de réforme et le produit de son travail, dès qu’il pourra
travailler ». On retrouve là l’intérêt pour l’enseignement technique
qu’Herriot manifeste tout au long de sa carrière, notamment lors de ses
passages au gouvernement. 800 mutilés bénéficient de ces écoles à Lyon dans des
domaines variés, de la comptabilité, à la petite menuiserie, avec notamment des
formations à la fabrication des jouets en bois.
On peut
aussi noter l’achat par la mairie de Lyon d’une machine permettant d’imprimer
des livres en Braille pour les soldats qui ont perdu la vue, initiative dont
Herriot tente de faire la promotion auprès des maires des autres grandes villes
de France.
Les
réfugiés
Dans Agir, Herriot aborde aussi l’aide à
d’autres victimes des combats : les réfugiés qui fuient les zones de
guerre. Il évoque notamment la mise en place à l’Hôtel de Ville d’un
« Bureau de recherche des réfugiés belges et français », le premier
en France, confié à Maurice Picard, professeur de droit.
En plus de
réunir les familles séparées par le conflit, le bureau se propose de constituer
une base de données sur les communes envahies ou ravagées par les combats.
Agir pour
l’arrière
L’autre
grand enjeu de la politique municipale d’Herriot en 14-18 est l’organisation de
la vie quotidienne dans cette grande ville de l’arrière qu’est Lyon. Confrontés
aux problèmes de ravitaillement et aux difficultés économiques, le maire et son
équipe agissent essentiellement dans quatre directions. Tout d’abord, la gestion
du ravitaillement occupe bien évidemment une place essentielle, dans un
contexte où l’armée réquisitionne une grande partie d’une production nationale
que la mobilisation et les combats réduisent comme peau de chagrin. Ensuite,
pour contrer les effets du conflit, Herriot tente de maintenir et d’approfondir
la politique sociale originale entamée avant-guerre, dans la lignée du socialisme
municipal évoqué plus haut. Pendant de cette politique sociale, la municipalité
soutient l’économie, avec la Foire aux échantillons, qui fait de Lyon le fer de
lance de la lutte contre l’économie allemande en défiant les grandes foires
comme celle de Leipzig. Enfin, une initiative originale peut être soulignée,
même si elle ne relève pas directement de l’effort de guerre : la
constitution d’un fond documentaire sur le conflit, qui est aujourd’hui une
source exceptionnelle et presque unique au monde.
Le
ravitaillement
Une
commission municipale est mise en place dès le 6 août 1914, en collaboration
avec le département. Le choix fait est celui d’achats à prix fixés plutôt que
de réquisitions. La commission des prix réunit des représentants de la ville,
mais aussi des commerçants et tente de déterminer le prix le plus juste pour
les différents protagonistes. On note une forte dimension patriotique dans le
discours, qui incite les commerçants à « faire la guerre au boche »
en vendant au prix fixé.
A partir de
1916, la commune cherche aussi à sécuriser les approvisionnements en achetant
directement les denrées de première nécessité. Lyon importe ainsi des pommes de
terre d’Italie et d’Espagne, du sucre, achète des concessions forestières dans
le Morvant et embauche de bûcherons canadiens pour les exploiter. On crée en
outre des dépôts municipaux de charbon, et la mine de lignite de
Saint-Martin-du-Mont, dans l’Ain, est remise en service. Enfin, pour
transporter ces marchandises, la mairie rachète de vieux camions militaires,
qui sont revendus en 1918.
Notons
cependant qu’Herriot manifeste un souci constant de ménager les commerçants,
notamment pour éviter le développement du marché noir, refusant par exemple de
mettre en place une boucherie municipale, pour protéger les bouchers lyonnais.
Cette
politique de ravitaillement se heurte cependant à la double concurrence des
réquisitions de l’armée et de celles de l’Etat pour approvisionner Paris, concurrence
des plus rudes, puisqu’elle peut notamment passer par la réquisition de convois
achetés par Lyon en Espagne. Son efficacité est cependant réelle, puisqu’elle
vaut à Herriot de devenir ministre du ravitaillement en décembre 1916.
L’œuvre
sociale
Dès le 3
août 1914, Herriot fait mettre en place des soupes populaires à 5 centimes pour
les familles de soldats – 5,5 millions servies jusqu’en novembre. Cette
initiative est représentative de l’œuvre sociale de la municipalité lyonnaise
pendant la guerre. Cette œuvre, Herriot la défend dans Agir, en tant que membre d’un parti radical qui est bien, en ce
début de siècle, un parti de gauche, mais aussi en tant que tenant du
socialisme municipal.
Dans la
droite ligne de ces soupes populaires, sont ainsi crées en 1916 des Cuisines
municipales, sous la forme d’une association loi 1901 soutenue par la mairie.
Ce service entend notamment compenser le manque de temps des femmes qui ont du
prendre un emploi, en vendant à prix coûtant des repas aux ménages des catégories
populaires. A 25 centimes la portion de
140 g de boeuf bouilli ou en sauce, 35 centimes la portion de viande rôtie, 15
centimes la portion de pâtes ou de légumes, 10 centimes le demi-litre de
bouillon de bœuf, les prix sont accessibles. Herriot se rend lui-même sur place
pour recueillir les réactions des usagers. Il écrit ainsi en juin 1916, très
satisfait : « Tous mes clients ont reconnu que la cuisine municipale
leur épargnait à la fois beaucoup de temps et un peu d’argent ».
L’action
sociale de la mairie se manifeste aussi par l’aide au travail des femmes d
soldats dont els familles se retrouvent privées de revenus. Des ouvroirs
municipaux sont créés où les femmes de soldats sans revenus peuvent apprendre à
coudre pour trouver un travail dans les manufactures d’uniformes. Dans un second
temps, les salaires du privé s’avérant trop bas, les ouvroirs municipaux
travaillent directement pour l’armée, distribuant les commandes entre les ouvrières
qui travaillent à domicile.
Ces
initiatives emblématiques ne résument pas la politique sociale d’Herriot, qui
ratisse très large. Dans le domaine sanitaire, Herriot tente ainsi de mettre en
place une politique municipale de lutte contre la tuberculose, qui se développe
en temps de guerre. Faute de moyens, elle demeure cependant au stade des
projets. Enfin, dans le domaine du logement social, c’est en 1917 qu’est lancé
le projet de nouveau quartier d’Habitats à bon marché (HBM) du Boulevard des
Etats-Unis, confié à Tony Garnier.
Ces œuvres
en faveur des femmes et des nécessiteux s’inscrivent ainsi dans la continuité
de la politique sociale herriotiste, entre les restaurants municipaux gratuits
pour mères allaitantes nécessiteuses, créés en 1910, et l’école d’agriculture
de Cibeins, qui ouvre ses portes en septembre 1918, et est au départ destiné
aux orphelins et jeunes délinquants.
La Foire
d’échantillons de Lyon et la politique économique et commerciale
La Foire de Lyon
demeure sans doute aujourd’hui la mesure la plus célèbre de la politique
municipale d’Herriot pendant la Grande Guerre. Elle est à la fois la manifestation
de la volonté de maintenir l’activité économique et commerciale lyonnaise, et
un véritable acte de guerre économique, qui vise ouvertement la foire de
Leipzig, où, « en 1915 et 1916, la propagande n’a fait que
s’accentuer ».
Dans Agir, Herriot compare ainsi la Foire,
dont la première édition a lieu du 1er au 20 mars 1916, à la bataille
de Verdun : « Entre le drame héroïque de là-bas et notre bataille
commerciale, un lien nous apparaissait. Il nous semblait qu’avec moins de
mérite nous poursuivions le même but : libérer et protéger le génie de la
France, ses produits, son travail ». La Foire nait donc d’une
« volonté de combattre l’Allemagne partout ».
Carte postale représentant les stands de jouets de la Foire de Lyon en mars 1916
La dimension
patriotique est ainsi essentielle dans l’organisation de l’événement. Un partenariat
est développé avec la Chambre de Commerce de Nancy pour que soit représentée la
Lorraine occupée. Un marchand alsacien est aussi présent. Le stand de jouets
« l’Atelier du Blessé », présentant la production de l’école Joffre
de Lyon, remporte un succès important. En outre, les organisateurs mettent un point
d’honneur à inviter des marchands des pays alliés – on compte 14 stands anglais,
4 canadiens, 43 italiens et un russe. Au total, la Foire réunit 912 stands dans
des domaines aussi divers que l’automobile, la maroquinerie, la musique, répartis
en 15 grandes branches.
La Foire de Lyon
est donc une véritable réussite, tant son organisation en temps de guerre semblait
ou départ constituer une gageure. Notons en outre qu’elle n’est pas une initiative
isolé, Herriot multipliant les tentatives dans les domaines économiques et commercial,
à l’image de la politique de développement du commerce fluvial sur le Rhône, lancée
à l’occasion d’un déplacement à Genève en 1917.
Conclusion :
Une période de fort rayonnement pour Lyon et pour Herriot
L’action
d’Herriot à la mairie de Lyon se caractérise donc, pendant le premier
conflit mondial, par une volonté constante d’innover dans les domaines
économique, social et politique, tout en s’inscrivant dans le climat d’Union
sacrée et en participant à l’effort de guerre.
Beaucoup
d’initiatives frappent par leur modernité, à défaut d’être totalement inédites.
Les écoles de mutilés sont ainsi les premières en France, tandis que la
politique de ravitaillement, marquée par le fort engagement du secteur public,
est d’une rare efficacité. Les services de recensement des réfugiés,
d’expédition des colis aux prisonniers, etc., sont des premières nationales. Dans
les domaines économique et social, enfin, la politique sociale est marquée par
une forte inventivité et la Foire est une initiative emblématique qui rompt
avec la morosité du temps de guerre.
Lyon, qui
jouit d’une image de ville moderne et dynamique, engagée dans l’effort de
guerre, sert donc à la fois de laboratoire, de vitrine et de tremplin à Edouard
Herriot, qui ne manque pas de faire état de ces réussites, par exemple en
publiant Agir, où son programme pour
la France s’appuie sur l’exemple lyonnais.
A l’échelle
nationale, cela lui permet d’accéder à une première expérience ministérielle,
de décembre 1916 à 1917, en tant que ministre de l’industrie et du
ravitaillement, domaine où il s’est illustré à Lyon, acquérant une renommé
nationale. Il entre d’ailleurs au ministère en même temps que l’autre figure du
radicalisme lyonnais de sa génération, Justin Godart. Cette expérience est certes
un échec et lui vaut une forte impopularité, mais elle permet à Herriot de comprendre
que ses succès locaux lui ouvrent la porte de l’échelon supérieur. Il
capitalisera dessus dès la fin de la guerre en se faisant élire député du Rhône
et en prenant la tête du parti radical.
A l’échelle
locale, et c’est peut-être le plus important, la période de la guerre parachève
une conquête de Lyon déjà bien entamée par le jeune maire radical. La politique
de ravitaillement et les dispositifs d’aide sociale mis en place achèvent de
lui gagner la confiance des Lyonnais, à qui il permet d’être relativement
épargnés par les privations. Enfin, la Foire de Lyon finit de rallier le patronat
lyonnais, quand l’œuvre sociale touche en plein cœur des milieux catholiques
lyonnais sensibles à ces questions et jusque là réticents à soutenir un radical
connu pour son soutien à la loi de 1905.
Au sortir du
conflit, Herriot a donc consolidé sa position à Lyon, tout en s’ouvrant les portes
de la scène politique nationale. C’est le point de départ de trois décennies d’un
règne presque sans partage sur la capitale des Gaules et le parti radical.
Edouard HERRIOT, Jadis. I. Avant la première guerre
mondiale, Paris, Flammarion, 1948, 268 pages, et Jadis.
II. D’une guerre à l'autre : 1914-1936, Paris, Flammarion, 1952, 650 pages.