Depuis septembre, je ne suis plus seulement jeune chercheur, et presque plus étudiant, même si je suis inscrit en doctorat. J'enseigne l'histoire-géographie en lycée général dans l'académie de Grenoble. Cela m'amène à découvrir les nombreuses passerelles qui existent entre mon intérêt ancien pour l'histoire numérique, en particulier la vulgarisation, et l'évolution récente de l'enseignement. J'ai ainsi eu l'opportunité de me rendre à Grenoble pour un colloque très intéressant. Ceci n'est en aucun cas un compte-rendu objectif. Ce sont mes impressions, ce qui me restera de ces deux jours. Toutefois, je tiens à la disposition de qui le désire ma prise de notes, par simple demande (commentaire ou Twitter, @yannsambuis).
Je suis un homme de convictions. Des fois, j’aimerais l’être
un peu moins, mais c’est comme ça. Ce mercredi 22 janvier, alors que je sors
d’une semaine moralement éprouvante et que je pourrais me contenter d’aller
dispenser mon heure de cours de seconde à Pont-de-Beauvoisin, je me lève donc à
5h30 – ça ne me change pas beaucoup, me direz-vous – pour partir à Grenoble,
assister au colloque organisé au CRDP sur le thème de l’éducation aux médias,
et plus particulièrement au numérique. Après quelques péripéties ferroviaires,
j’arrive donc au dit centre de documentation aux alentours de 8h30. Le hall est
déjà bondé. Entre café, jus de fruit et viennoiseries, on tente de nous vendre
divers ouvrages se rapportant au thème du colloque. Pendant ce temps, un écran
permet de suivre l’actualité – encore faible – du hashtag #educmedia2014 sur Twitter. La grande classe. Un petit tour
par les listes d’émargement et les inscriptions aux ateliers de l’après-midi,
et c’est parti.
L’auditorium est superbe. Dommage qu’il n’y ait en tout et
pour tout que 4 prises électriques pour environ 150 participants. Pour un
colloque s’intéressant en grande partie au numérique, c’est ballot… Mais
qu’importe, je réussirai à squatter une prise pour les deux jours.
Ouverture
Ces détails techniques réglés, on entre dans le vif du sujet
avec l’ouverture de la première journée par Yaël Briswalter, Délégué académique
au numérique, et J.-L Durpaire, IGEN. Tous deux rappellent la prégnance
actuelle des enjeux liés aux médias dans l’enseignement, l’éducation aux médias
et au numérique étant appelée à intégrer le socle commun de compétences du
collège. M. Durpaire insiste notamment sur la nécessité pour la France de ne
pas rester à la traine du monde anglo-saxon, très en pointe dans ce domaine, à
l’image du BETT Show de Londres. Les orientations grandes de l’édition 2014 ;
mobilité, équipement personnel des élèves (BYOD,
bring your own device), réseaux sociaux et informatique comme discipline
scolaire, seront d’ailleurs à l’honneur tout au long du colloque. L’allocution
se termine sur une présentation de ce que devrait être la future éducation aux
médias et à l’informatique, avec 3 dimensions essentielles : accès à
l’information, production et diffusion de contenus, et last but not least, accès à une compréhension du monde de
l’information et des médias.
Lieux de savoir
Commence alors l’un des temps forts de ce colloque, le
propos introductif de Christian Jacob, directeur d’études à l’EHESS, à la tête
du projet « Lieux de savoir ». Je ne m’étendrai pas sur son propos,
qu’il a lui-même mis en ligne sur le carnet Hypothèses (p. 1, p. 2, p. 3, p. 4) de son équipe de
recherche et que je vous conseille de lire dans le texte pour en conserver la
saveur intacte. J’en retiendrai seulement l’idée d’une mutation de la
géographie des savoirs à l’ère du numérique, de nouveaux lieux de savoir
émergeant (MOOC, groupes de travail, blogs…) qui doit nous plus que jamais nous inciter à
reconfigurer notre carte personnelle, à être à la fois géographes et géomètres,
mêlant cartographie générale et connaissance fine du terrain, voyageurs,
nomades et braconniers – selon l’expression de Michel de Certeau –, souci
permanent qu’il importe de transmettre à de jeunes générations qui baignent
dans le numérique au point, souvent, de s’y noyer.
Wiki
Après une pause repas – un fort gras et indigeste tacos pour
moi, on ne se refait pas – on reprend en compagnie de deux « geeks du
savoir ». Quand on parle de diffusion des savoirs su internet, Wikipédia
est sans doute le médium qui vient le plus immédiatement à l’esprit. Même si
son image s’est assez largement améliorée depuis quelques années, le monde de
l’enseignement reste encore très prudent, très suspicieux à l’égard de cet
outil, qui est pourtant devenu la première plateforme de diffusion de
connaissances en ligne. Ce ne sont sans doute pas les mots de Thomas Darbois,
de Wikimédia France, et Mathias Damour, fondateur de l’encyclopédie Vikidia,
destinée aux 8-13 ans, qui amèneront les plus réticents à changer d’avis. Si
leur exposé montre bien, entre des éclaircissements parfois bien obscurs pour
le néophyte sur le fonctionnement des wikis, l’intérêt de telles plateformes
dans le cadre de travaux d’écriture collaborative, offrant des pistes très
intéressantes dans le cadre de la pédagogie dite « du projet », les
deux hommes sont bien loin de rassurer totalement sur la fiabilité des
contenus. En son temps, Roy Rosenzweig avait montré, dans un excellent article,
qu’en ce qui concerne l’information factuelle en histoire, les contenus de
l’encyclopédie collaborative étaient aussi fiables sinon plus que ceux de l’American National Biography Online,
Darbois et Damour ont dressé un portrait des wikis qui, s’il se voulait
flatteur, insistait bien plus sur la stratégie de « recherche de
popularité » de certains auteurs que sur la fiabilité des articles. En
outre, l’insistance des intervenants sur l’absolue nécessité de citer ses
sources, qui sert de caution « scientifique » à la plateforme, et qui
ne s’accompagne d’aucune vérification de la fiabilité de ces sources – sans parler
de légitimité, concept rejeté par l’encyclopédie en ligne –, et la volonté de
« représenter tous les points de vue » sur un sujet, qui peut
conduire à des absurdités scientifiques telles que la mention de théories
créationnistes (plus fréquentes sur le portail anglophone), pourraient sembler
jeter le discrédit sur le projet qu’ils sont venus défendre. C’est bien
dommage, car ce qu’on a omis de nous dire, c’est que, comme l’avait montré
Rosenzweig, ces quelques réserves a
priori ne valent plus lorsque l’utilisateur sait à quoi il a affaire, et
que, dès lors, il est tout à fait possible de travailler avec Wikipédia.
Ateliers
A peine le temps d’un café, et la joyeuse troupe que forme
le public du colloque quitte le CRDP pour le lycée Mounier. Au programme, ce
qui fait la fierté de toutes les formations estampillées EN – enfin, c’est
l’aperçu que ma maigre expérience m’en a donné –, les ateliers. Place, donc, à
des discussions plus ou moins productives en groupes restreints (une dizaine de
personnes), autour de projets présentés par des collègues et faisant la part
belle aux médias numériques. Comme j’ai choisi des ateliers tournant autour des
arts plastiques et des lettres, je ne m’étendrai pas dessus outre mesure.
Sachez seulement que oui, on peut enseigner en utilisant les réseaux sociaux.
J’ai été tout particulièrement séduit, je l’avoue, par la performance
holographique réalisée par les élèves de L de N. Anquez à Annecy, et par
l’expérience de poésie sur Twitter menée par D. Regnard, qui compare la
contrainte des 140 signes à celle des 12 syllabes de l’alexandrin.
Soumis à des impératifs ferroviaires, je dois
malheureusement quitter les lieux sans repasser par le CRDP où je me suis
laissé dire que le mot de clôture de Guy Cherqui et l’émission de webradio
présentée par des lycéens grenoblois et écoutable en ligne
>>>ici<<< furent des moments fameux.
Edit : Vous pouvez maintenant lire >>>la suite<<<!!!
Edit : Vous pouvez maintenant lire >>>la suite<<<!!!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire