samedi 5 mars 2011

Googling Lyon (3/3). (Res)sources en ligne pour historiens lyonnais, par Yann Sambuis

« Ressources en ligne » est sans doute un titre assez vague pour ce troisième volet. Les deux premiers articles de la série Googling Lyon portent en effet eux aussi, d’une certaine manière sur des ressources en ligne. Cependant, alors que je me suis penché dans le premier volet sur ce que j’appellerai des généralités, et dans le second sur des ressources créées par des Lyonnais, j’ai décidé de consacrer ce troisième billet d’une série qui en comptera peut-être plus, tout compte fait, à un type de ressources bien particulier : ce que nous autres historiens appelons « sources ».
Ces dernières années, l’importance prise par le web dans la vie de tous les jours a en effet conduit un nombre croissant de services publics à entreprendre la mise en ligne de documents d’archive. Cette politique permet, outre un accès plus facile, puisque la barrière de la distance est abolie par internet, de créer un sauvegarde numérique de documents souvent fragiles – même si, pour les plus fragile, la numérisation détruit parfois l’original. A Lyon, on distingue trois pôles principaux dans cette politique de numérisation : la Bibliothèque municipale (BML), les Archives municipales (AML), et enfin les Archives départementales du Rhône (ADR), qui, pour ce que j’en sais, devrait ouvrir son portail de ressources en ligne dans les prochains mois.
En attendant l’ouverture du site des archives du Rhône, jetons donc un œil aux deux autres pôles…

La Bibliothèque municipale de Lyon : le choix de portails thématiques

Avant toute chose, notons que la BML est, du fait de sa taille, divisée en un certain nombre de secteurs, dont plusieurs participent à la politique de numérisation de documents. Je vais essayer de présenter ici les différents projets mis en place par le pôle de documentation régionale.
Du fait de la diversité des documents mis en ligne, le choix a été fait de créer des portails différents, tous hébergés sur le site de la BML. Trois de ces mini-sites sont à même d’intéresser l’historien de Lyon : « Revues savantes », « Presse lyonnaise du XIXe siècle » et « Photographes en Rhône-Alpes », sans doute le plus original des trois.

Le portail « Revues savantes » est le plus ancien et le moins abouti. Je me contenterai donc de le décrire brièvement.
Comme son nom l’indique, il regroupe les trois revues savantes lyonnaises éditées au XIXe siècle, et jusqu’en 1924 pour la principale, la Revue du Lyonnais. Les collections ne sont malheureusement pas complètes mais, malgré une interface assez archaïque, le site présente pour principal intérêt de permettre la recherche plein-texte. En effet, les revues numérisées ont été océrisées (du sigle anglais OCR, Optical character recognition, procédé qui permet d’extraire un texte au format numérique à partir de l’image numérisée d’un texte sur papier).
En dépit de cet avantage important, qui permet une manipulation rapide et aisée des documents, le site souffre de son champ limité et – je me répète – de l’archaïsme de son interface, qui serait sans doute assez peu ergonomique si le nombre de revues était plus important.

Le site consacré à la presse lyonnaise du XIXe siècle est le plus récent et, à mon sens, le plus prometteur.
Initialement intitulé CaNu (pour « canards numérisés »), le projet se propose de mettre en ligne l’intégralité de la presse lyonnaise parue entra 1830 et 1914 et conservée à la BML. L’interface est élégante et fonctionnelle. Tous les textes ont bien sur été traités par océrisation et la recherche plein-texte est possible. On peut en outre choisir le champ de la recherche : l’ensemble de la base, un titre, un exemplaire donné d’une revue, toute la presse d’un jour donné… Il est en outre possible de télécharger tout le contenu du site au format PDF ou image afin de l’utiliser sans être connecté à internet, de le traiter avec divers logiciels voire – pourquoi pas ? – de le transférer sur un e-book. On regrettera seulement que, lorsqu’on effectue une recherche, le terme recherché n’apparaisse pas en surbrillance dans le texte qui s’affiche à l’écran : on doit parcourir toute la page pour le retrouver. Une astuce : il suffit d’ouvrir la page en PDF et de faire une recherche en utilisant votre navigateur (Ctrl + F).
En plus de cette interface très bien conçue, le site propose une page d’accueil fort sympathique. On y trouve un « kiosque du jour », qui propose une sélection de tous les titres parus à la date de notre visite – par exemple, lors de ma visite, tous les journaux parus un 5 mars. Cet outil est accompagné d’un calendrier qui permet de changer de date ou d’affiner la recherche en sélectionnant une décennie, un titre, etc. Enfin, le site met à notre disposition en page d’accueil des dossiers thématiques concernant la presse lyonnaise du XIXe siècle – la surveillance de la presse anarchiste, par exemple.
On a donc là un outil très intéressant, qui de plus est appelé à s’enrichir au fur et à mesure que la numérisation avancera.

Dernier portail thématique de la BML que je voudrais mentionner, le site « Photographes en Rhône-Alpes ». Alors que les deux précédents étaient assez nettement destinés aux spécialistes, ce site se veut bien plus grand public. On est bien plus ici dans une logique de mémoire en ligne que d’histoire numérique telle que je la conçois pour ma part. Ce qui ne nous interdit pas, loin de là, de nous y intéresser.
Comme son nom l’indique, ce site regroupe donc des photos de toutes périodes représentant la région Rhône-Alpes, avec un intérêt particulier : sa dimension « participative ». En effet, les internautes sont invités à enrichir la collection en proposant leurs photographies, que la BML propose de numériser, avant de rendre les originaux à leur propriétaire. On est donc bien ici face à un « portail », une plateforme qui accueille différents albums, regroupés par thème, par auteur, par époque, et qui a vocation à grandir au fil du temps. Pour éviter une croissance désordonnée, la BML garde cependant le contrôle de l’outil, puisque, même si elle utilise l’outil Flickr de Yahoo!, les utilisateurs ne peuvent pas directement mettre en ligne leurs photographies. De plus, afin de construire la base progressivement, trois thématiques principales sont proposées aux internautes qui souhaiteraient participer au développement du projet : le Grand Lyon, l’Ardèche et la Seconde Guerre mondiale.
Au-delà de cette dimension grand public, l’intérêt principal pour l’historien est la possibilité de recherche par mots-clefs, à laquelle s’ajoutent différents outils qui permettent de naviguer dans les collections : frise chronologique, carte interactive, noms des photographes, etc.
Si la collection gagnerait à être enrichie – ce qui ne saurait tarder, mais force est de constater que pour un fond lyonnais, deux photographies d’Edouard Herriot, c’est un peu léger – l’outil demeure extrêmement prometteur.

Les Archives municipales de Lyon : des outils de qualité variable

            Les AML, second pôle que je voudrais évoquer, apparaissaient déjà dans le premier volet de Googling Lyon. Je laisserai donc de coté les outils que j’ai déjà évoqués, plus destinés au grand public qu’à l’historien. Le site propose différents types d’archives, mais tous utilisent à quelques détails près la même interface, et je vous propose donc de les traiter dans un superbe coffret tout en un.

            L’interface est assez ancienne, mais une fois qu’on en a compris le fonctionnement, elle est d’un usage assez facile et efficace. Les fonds proposés sont divers – registres paroissiaux et d’état-civil, registres des enfants abandonnés, convois funéraires, recensements annuels, délibérations des Conseils municipaux, cartes postales lyonnaises, affiches anciennes et cartes et plans de Lyon – mais partagent peu ou prou la même interface.
            Globalement, les possibilités de recherche sont nombreuses, avec, assez souvent, une possibilité de recherche « semi-guidée » qui propose un accès plus direct aux documents concernant une sélection de personnalités lyonnaises. Le site souffre néanmoins d’un manque très sensible, qui s’explique sans doute par son ancienneté : les textes ne sont pas océrisés et la recherche plein-texte est donc impossible. Cette lacune pourrait cependant être assez aisément comblée au moins pour les documents dactylographiés ou imprimés. Ainsi, tous les documents ne sont accessibles que sous forme d’images.
            Malgré ce manque – très dommageable, car il restreint énormément les possibilités de manipulation informatique des textes –, le portail de AML reste une ressource incontournable pour l’historien lyonnais. En effet, la richesse du fond numérisé justifie à elle seule qu’on s’y intéresse, même si l’archaïsme relatif de l’interface – qui n’a rien d’irréversible, je le répète – est frustrant pour l’internaute chevronné.

            Dans l’ensemble, le site des AML est donc une véritable mine d’or pour l’historien, mais une exploitation efficace nécessitera de moderniser les outils.

Perspectives d’avenir

            Je l’écris à chaque fois, l’histoire numérique est en perpétuelle évolution. Ainsi, dans les mois et les années qui viennent, les sources en ligne devraient se multiplier. A ma connaissance, deux projets importants sont en cours à Lyon. D’une part, les Archives départementales du Rhône préparent la mise en ligne du cadastre et des registres d’état-civil du département, qui devrait intervenir courant 2011. D’autre part, la BML poursuit sa politique de numérisation du fond ancien. Grâce à un accord conclu avec Google Books – encore eux ! –, plus de 2000 ouvrages anciens numérisés et océrisés, dont un certain nombre concernant Lyon, devraient être mis en ligne dans les prochains mois.
            Une fois de plus, je vous mets au défi : comment ne pas être optimiste ? (Ne me répondez pas, je ne suis pas sûr de vouloir savoir, en fait…)

Bilan

            Un bilan par site pour trois des outils abordés :

Presse lyonnaise du XIXe siècle
Les + : Interface belle et fonctionnelle, recherche plein-texte, outil « kiosque ».
Les - : Les termes recherchés n’apparaissent pas en surbrillance.

Photographes en Rhône-Alpes
Les + : Richesse potentielle du fond, ergonomie et beauté de l’interface.
Les - : Encore en construction, ne fonctionne pas selon les critères de pertinence de l’historien.

Archives municipales de Lyon
Les + : Richesse du fond, outil « personnalités ».
Les - : Pas de recherche plein-texte.

Merci à Mohamed, de la documentation Rhône-Alpes de la BML, pour son aide.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire