vendredi 4 février 2011

Googling Lyon (2/3). De la présence sur le web des historiens lyonnais, par Yann Sambuis

           Nous avons parlé dans le dernier billet du problème de la disponibilité en ligne d’informations et de travaux sur l’histoire de Lyon. Si j’ai essayé de discerner dans mon enquête les contenus mis en ligne par des amateurs de ceux créés par des professionnels ou des institutions reconnues, j’ai en définitive assez peu abordé la question de la présence en ligne de ces professionnels. Or c’est là une des principaux points qui m’ont conduit à créer le projet Digital Lugdunum : la très faible présence en ligne des historiens lyonnais, quel que soit, cette fois-ci, leur objet d’étude.

Une recherche en ligne plus complexe

            Il va sans dire que le travail auquel je m’attelle pour ce second volet est bien plus complexe. Si le précédent billet n’était somme toute que l’analyse d’une recherche sur Google, complétée par les éléments que j’ai pu glaner depuis un an et demi sur l’histoire de Lyon en ligne, il est bien plus complexe de détecter la présence en ligne des historiens lyonnais. Commençons donc par un point sur la méthode…
            J’ai fait le choix de partir des sites des « viviers » de chercheurs que sont les universités et laboratoires lyonnais. Ma visite du web de l’histoire à Lyon – et non plus de l’histoire de Lyon – commence donc par une revue des sites ou pages web de ces différents viviers. Partant de là, j’ai navigué de page en page à la recherche de contenus intéressants en ligne. Explicitons donc ce que j’entends par « contenus intéressants ».
            On trouve bien entendu – nous sonnes tout de même au XXIe siècle – une fiche de présentation plus ou moins synthétique de chaque chercheur ou enseignant-chercheur en histoire rattaché à centre de recherche lyonnais, voire plusieurs fiches dans le cas courant d’un rattachement à plusieurs organismes. Là n’est pas la question. L’objet de notre recherche, notre gibier en quelque sorte, ce n’est pas l’historien dont on trouve des traces sur le web, mais bien l’historien numérique, c’est-à-dire celui qui, à défaut d’utiliser tous les outils fournis par la technologie moderne, utilise le web comme outil de travail et comme plateforme de diffusion des savoirs. Cette définition a minima m’est imposée par la rareté en France de réels historiens numériques comme peuvent l’être les Américains Dan Cohen, Roy Rosenzweig et autres membres du Center for History and New Media. Contentons-nous donc de ce que nous trouvons, et partons en quête, dans les institutions de la recherche lyonnaise, de contenus, travaux et autres matériaux en ligne…

Point de départ ;) 

            Je me permettrai d’entamer cette exploration par un clin d’œil. Ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion de parcourir mon blog personnel savent que mon intérêt pour ce qu’il est convenu d’appeler « histoire numérique », traduction du terme anglais Digital History, provient notamment du séminaire de Christian Henriot sur le sujet.
Or Christian Henriot, enseignant-chercheur spécialiste de la Chine et de l’Asie de l’Est rattaché à l’Institut d’Asie Orientale (IAO) de Lyon, est sans doute le seul véritable historien numérique lyonnais actuel – mes recherches sur la toile ne m’ont en tout cas pas permis d’en trouver d’autres. Il a ainsi créé son propre site, principalement autour des séminaires qu’il anime, et met en ligne toutes ses publications, dans la limite de ce que la loi permet, c’est-à-dire à l’exception des ouvrages protégés par un copyright.
D’autre part, Christian Henriot est à l’origine de Virtual Shanghai, projet d’histoire numérique qui se penche sur l’histoire de Shanghai depuis le milieu du XIXe siècle, en réunissant sur un même site internet des images, des textes d’archive, des références bibliographiques, des cartes… De tels projets, s’ils sont courants aux Etats-Unis – voir notamment the Valley of the Shadows –, restent malheureusement très rares en France, a fortiori à Lyon.

Une entrée progressive dans l’ère du numérique

Et c’est bien là que le bât blesse. J’ai commencé mon panorama par Christian Henriot et, en ce qui concerne l’histoire numérique dans son acception la plus stricte – je recommande à ce propos le court article de mon camarade François-Xavier Colin sur la digital history – j’aurais aussi bien pu m’arrêter là. Ce qui n’empêche pas les acteurs de l’histoire lyonnaise d’entrer de plus en plus dans l’ère du numérique, en proposant des plateformes web qui méritent d’être mentionnées.
Les différents laboratoires de recherche possèdent ainsi des sites plus ou moins aboutis. Au premier rang, bien sûr, le site de l’IAO, qui propose diverses ressources numériques, parmi lesquelles plusieurs projets thématiques en histoire numérique, notamment un sur le supplice chinois et sa représentation, ancien (2002-2005) mais intéressant. Un second pôle d’histoire numérique, s’il n’est pas exclusivement lyonnais – ni exclusivement historien, d’ailleurs – se distingue : l’équipe Littérature, idéologies, représentation XVIIIe-XIXe siècles (LIRE), équipe européenne dont sont membres plusieurs chercheurs lyonnais. Derrière une interface peu attrayante, le site propose des liens vers divers projets de numérisation d’archives, notamment des journaux anciens. On citera notamment les projets « Gazettes européennes du 18e siècle » et « Les journaux d’Alexandre Dumas ».
Signalons pour le reste que la plupart des laboratoires proposent aujourd’hui des liens vers des ressources et publications accessibles gratuitement en ligne. C‘est le cas notamment du Ciham (Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie médiévale), qui met en ligne ses publications sur HAL-SHS.

Les travaux universitaires en ligne : mention « passable »

Enfin, le dernier pôle de l’histoire lyonnaise sur le web est celui des universités et autres établissements d’enseignement supérieur.
Pour la plupart, ces établissements proposent en effet un accès en ligne aux thèses, voire aux masters – c’est le cas de l’Institut d’études politiques –, de leurs étudiants. On regrettera malheureusement qu’un nombre non négligeable de thèse de Lyon 2 et Lyon 3 ne soient pas disponible faute d’accord de leurs auteurs. Sans doute ces refus sont-ils, une fois de plus, dus à la peur du plagiat et de problèmes avec un éventuel éditeur, peur du net qui, nous ne le répéterons jamais assez, est totalement infondée.
On peut en outre regretter que les universités, contrairement à l’IEP, ne mettent pas en ligne les mémoires de Master. D’autant que, même au format papier, l’expérience montre que l’archivage n’est pas systématique, malgré l’obligation de principe qu’ont les étudiants de déposer leurs travaux.

Appréciation globale : « peut mieux faire »

            Concluons sur une note optimiste ce billet. Je l’ai dit, la recherche en ligne de projets lyonnais est complexe. Google ne propose pas encore de rechercher des pages en fonction de leur lieu de création. Il est donc très probable que j’aie raté certains sites. On peut cependant dresser un premier bilan, moins négatif que je ne le craignais au départ.
            Certes, l’histoire numérique est loin d’être entrée dans les mœurs, et les projets dans ce domaine sont encore trop rares. Néanmoins, outre l’IAO, pionnier de la discipline à Lyon autour notamment de Christian Henriot, plusieurs projets se distinguent. C’est notamment le cas des plateformes d’archives numérisées du LIRE, auxquelles participent des chercheurs lyonnais.
Cependant, les lacunes des plateformes de mise en ligne de travaux universitaires sont encore criantes, et la plupart des sites de laboratoires pèchent par une interface peu attrayante tant en termes d’esthétique que d’ergonomie. En outre, les recherches que j’ai effectuées pour ce billet confirment le manque souligné dans notre projet d’un engagement des historiens lyonnais dans une histoire numérique comme moyen de transmission des savoirs, dans une vulgarisation de qualité.
Gardons cependant espoir : le nombre de projets semble aller croissant et l’histoire numérique a de beaux jours devant elle à Lyon, tant il semble inimaginable que les historiens de la jeune génération – dont je fais partie – laissent passer cette opportunité d’ancrer l’histoire dans l’ère du numérique. Selon mes sources, plusieurs doctorants lyonnais s’attellent d’ailleurs actuellement à la création d’une plateforme de publication en ligne.

Du nouveau !

J'édite le message pour ajouter une seconde note d'optimisme : je copie ci-dessous le commentaire de Christian Henriot, qui laisse à penser que l'histoire numérique lyonnaise est promise à un bel avenir.
"L'Institut des sciences de l'homme à Lyon s'est donné comme priorité scientifique commune pour le prochain contrat quinquennal les "humanités numériques". On peut donc raisonnablement espérer voir émerger des projets nouveaux dans les différentes disciplines des sciences humaines et sociales à Lyon. Un projet de Labex (Laboratoire d'excellence) sur les humanités numériques a d'ailleurs été déposé dans le cadre du Grand emprunt. Ce projet est en cours d'évaluation." C. Henriot

3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. L'Institut des sciences de l'homme à Lyon s'est donné comme priorité scientifique commune pour le prochain contrat quinquennal les "humanités numériques". On peut donc raisonnablement espérer voir émerger des projets nouveaux dans les différentes disciplines des sciences humaines et sociales à Lyon. Un projet de Labex (Laboratoire d'excellence) sur les humanités numériques a d'ailleurs été déposé dans le cadre du Grand emprunt. Ce projet est en cours d'évaluation.

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  3. Merci pour l'info, j'édite le billet pour ajouter une autre note d'optimisme.

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