lundi 8 novembre 2010

Regardez la télé !

J'inaugure ici une nouvelle rubrique du blog, où je donnerai mon avis sur des sujets de société, mais toujours en rapport avec l'histoire et la culture, et sans prise de position politique. C'est une opinion personnelle qui vaut ce qu'elle vaut, et vos commentaires sont les bienvenus.

Ce soir, France 3 diffuse un énième documentaire le général de Gaulle (De Gaulle : la dernière bataille, de René-Jean Bouiller, à 20h35 ce lundi 8 novembre, voir la fiche du programme sur le site de la chaine), suivi d’un débat en direct. Demain, c’est France 5 qui remet le couvert avec une émission qui fait intervenir des Français qui ont vécu le gaullisme des années 1950 et 1960 et leur propose d’apporter leur témoignage, leurs archives personnelles, leur vision des événements (C’est notre histoire, présenté par Marie Drucker et Fabrice d’Almeida, mardi 9 novembre à 20h35, voir la fiche du programme). Une fois de plus, la mémoire semble prendre le pas sur l’histoire. Mais ce n’est pas là l’objet de notre billet. En cette année de soixante-dixième anniversaire de l’appel du 18 juin et de cinquantenaire de la mort du général, on nous aura servi du de Gaulle à toutes les sauces. On frôle le gavage. Durant les cinq mois qui ont séparé les deux anniversaire, le grand Charles a fait la une de l’actualité. Pas un mot, en revanche, sur le 10 juillet. Trop proche du 14, sans doute. Mais là encore, ce n’est pas notre sujet. Non, après avoir brièvement noté les défauts et la surabondance de cette histoire-mémoire télévisée dont on abreuve nos mirettes, je voulais vous dire : regardez la télé !

C’est un fait, la tendance, dans la jeunesse intellectuelle au sens large – c'est-à-dire incluant les étudiants de second cycle universitaire et, surtout, le peuple grouillant des classes prépa littéraires, que j’ai côtoyé pendant trois ans et que je côtoie encore – est au zéro télé. On se gargarise de ne pas posséder et de regarder le moins souvent possible ce petit écran, ce miroir aux alouettes où le peuple – le vulgus – se vautre dans la médiocrité de programmes abêtissants, dans sa médiocrité et sa bêtise. Pourtant, cette élite en gestation dont je fais partie ne doit pas se couper de la société. Et la société actuelle, qu’on le veuille ou non, c’est la télé. L’intellectuel, et je le dis modestement, simple étudiant d’une université de province, doit être dans le domaine culturel, sinon un pasteur, au moins un exemple. Et un berger ne méprise pas les moutons. Oui, je sais, la comparaison est très méchante et très incorrecte. Je suis méchant et incorrect.

Alors bien sûr, d’un coté j’appelle à regarder la télé, et de l’autre je suis le premier à m’insurger, en tant qu’historien, contre le type de documents qu’on nous servira justement ce soir, où la mémoire prend le pas sur l’histoire, où le témoin est mieux considéré que l’historien, où la victime est le témoin suprême, telle Rama Yade répondant à Edwy Plenel sur le plateau de Laurent Ruquier qu’il n’a aucun titre à la contredire à propos du racisme, puisqu’elle en a été victime (mais, comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas notre sujet). Pourtant, j’ose dire aussi que, si l’on se coupe sciemment de la télévision, on ne peut en aucun cas prétendre la juger. Or la télévision est un pilier incontournable de la société actuelle. Malgré le « formatage » des opinions, la simplification, la médiocrité de certains programmes de divertissement, les biais de programmes culturels qui recherchent plus l’audimat et la rentabilité que la vérité, et, surtout, la dictature de l’émotion, celui qui prétend construire une pensée sociale (et j’inclus le culturel dans le social) ou politique a le devoir de connaitre la télévision, donc de la regarder. Surtout lorsque la prétendue élite intellectuelle porte aux nues un certain nombre de séries américaines, de How I met your mother à Desperate housewives, séries qui, pour être regardées en V.O. (j’y reviendrai certainement), n’en sont pas moins éloignées de la légitimité culturelle dont se réclame cette partie de leur public. Les intéressés se reconnaitront, s’ils me lisent, dans cette petite pique mesquine – je suis petit et mesquin – qui met un point final à notre billet du soir.

2 commentaires:

  1. Voilà un sérieux billet d'humeur! Je souscris aussi à l'idée que le poids de la télévision est crucial, y compris dans la manière dont nombre de gens apprennent l'histoire. Je reconnais faire partie de ceux qui ont néanmoins flanqué définitivement cet appareil à la poubelle (en fait donné à qui en ferait un plus grand usage), pas par coquetterie intellectuelle, mais faute de temps. L'usage de l'internet m'est apparu plus productif au plan personnel et professionnel (mais ce n'est pas un scoop).

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  2. Réponse au commentaire de C. Henriot : En effet, je m'ennuyais dans le train, donc je me suis dit que j'allais écrire un billet sur un de mes sujets de polémique favoris. Je dois dire que le documentaire sur de Gaulle n'est pas aussi mauvais que je le craignais. Pour ce qui est du plan personnel et professionnel, je ne nie pas. En revanche, comme vous avez pu le lire, je ne conçois pas qu'on puisse prétendre s'engager et critiquer la société sans prendre en considération ce paramètre fondamental.

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