vendredi 19 novembre 2010

Présentation critique : Texas Slavery Project

Le Projet

Le Texas Slavery Project est, comme son nom l’indique, un projet d’histoire numérique de l’esclavage au Texas (on parle ici de la République du Texas historique, et non pas de l’actuel Etat américain), entre 1837 et 1845. Il comporte trois pôles distincts, qui sont trois axes de travail.
Le premier est la numérisation de sources primaires. Des textes de lois, archives publiques et articles de périodiques sont mis en ligne sur le site au format texte.
Le second est la création d’une base de données des effectifs d’esclaves, du nombre d’esclavagistes, etc., par comté et par an.
Enfin, le troisième pôle est celui de l’exploitation des données rassemblées. Des graphes et surtout une carte interactive du Texas, accompagnée d’un outil de création de courbes de population sont tirés des données de la base.

Forces et faiblesses

Le site se distingue donc par la présence de plusieurs étapes de la réflexion historique : collecte de sources brutes, classement des données récoltées, exploitation de ces données. Il demeure cependant un simple outil de la réflexion, puisque les sources sont triées, explicitées par des graphiques et des cartes, mais ne font l’objet sur le site d’aucune analyse critique. Comme on peut le lire dans le texte de présentation du projet, le but su site est avant tout de fournir aux historiens des outils, très bien construits d’ailleurs, sur un sujet précis.
Et c’est bien là que le bât blesse. D’une part, le sujet choisi, l’esclavage dans la République du Texas entre 1837 et 1845, est extrêmement étroit et n’intéresse a priori qu’un nombre limité d’historiens. Utilisons une comparaison un peu provocante : c’est un peu comme si j’avais créé un site pour mettre en ligne ma base de données des résultats des élections lyonnaises entre 1951 et 1956.
D’autre part, si le site est bien construit, il tend à orienter les lecteurs, à capter exclusivement leur attention. Le risque est grand, en effet, devant un outil si bien construit, d’oublier que d’autres sources que celle que le projet a traité sont peut-être – certainement – disponibles quelque part au Texas. Ainsi, par exemple, le site n’indique ne met pas en ligne les sources dont sont tirés les chiffres présents dans la base de données, même si leur provenance est mentionnée (les registres recensant le nombre d’esclave de chaque planteur, l’esclave étant une propriété imposable).
Enfin, c’est plus un commentaire personnel, le Texas Slavery Project me semble être la parfaite illustration de la culture du chiffre brut dont nous sommes souvent les victimes consentantes. C’est en effet une tendance lourde de la société contemporaine que de livrer au public des données brutes et vierges de toute analyse, comme si les chiffres parlaient d’eux-mêmes.
Dernier point, et on pénètre ici dans le monde de l’étrange et du paranormal, le site est financé par la Summerlee Foundation, une organisation de défense des animaux. Comme je me refuse à y voir un relent fétide du racisme le plus abject, je me contenterais d’être pour le moins dubitatif…

Conclusion

Si le travail de mise en ligne et de traitement des sources effectué est important, et permet aux équipes de chercheurs potentielles travaillant sur le sujet de disposer à distances de leurs sources, le projet Texas Slavery vise un public limité et souffre de plusieurs faiblesses. Il convient néanmoins de noter la grande qualité du moteur de création de cartes et de graphes, très ergonomique et interactif.

Les + :
Interface claire, base de données et moteur de carte très ergonomiques et fonctionnels, travail de qualité.

Les - :
Pas d’état des autres sources (risque que le site agisse « comme des œillères »), public potentiel assez limité, données livrées sans analyse, soutiens financiers pour le moins étonnants

Edit (comme on dit quand on est branché) : J'avais oublié de chercher des sites similaires... En voila trois. Aucun n'atteint le niveau de perfectionnement du projet Texas Slavery, mais ils ont en commun la mise en ligne d'archives sur un sujet précis d'histoire locale...
http://lesfillesduroy-quebec.org/ : La société d'histoire des Filles du Roy tente de retracer l'histoire des femmes envoyées au Québec sous la monarchie pour épouser les premiers colons français.
http://www.shanghailanders.net/ : Un site d'histoire "personnelle" qui tente de réunir des informations sur la vie d'un grand-oncle parti vivre dans la concession française de Shanghai. Je me suis dit que ça plairait à un certain nombre de nos camarades du séminaire...
http://www.histoirenormantromorantin.com/ : Enfin, un site où un passionné met en ligne les travaux qu'il a réalisés après la fin de son M2, dans la droite ligne de ses travaux sur l'usine emblématique de sa ville natale.

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