dimanche 30 janvier 2011

Premier jet : quelques pistes pour préparer le grand bilan

Comme son titre l’indique, ce billet est un premier jet, un brouillon. Je me suis contenté de répondre à certaines des questions données pour nous servir de fil directeur, et je poste mes réponses pour alimenter le débat de demain. Je mettrai en ligne le billet définitif à l’issue de la dernière séance, c’est-à-dire de main après-midi, ce qui me permettra d’y cette ultime discussion.

Avez-vous trouvé que les technologies ou les médias eux-mêmes constituaient de nouvelles façons de connaître/savoir ? Ont-ils changé la façon dont vous découvrez, collectez, archivez, organisez, traitez, gérez ou communiquez ? Si oui, comment? Si non, pourquoi ?

Cette approche de l’histoire par le numérique et tout ce qu’il est convenu d’appeler les NTIC a radicalement modifié mon approche de la pratique de l’histoire et de mon rôle en tant qu’historien. Nouvelle façons de connaitre et de savoir, certes, mais ce n’était pas une découverte, puisque je m’intéressais déjà depuis quelques temps à la question de la diffusion du savoir en ligne, notamment à Wikipédia et à la transmission par les réseaux sociaux. En revanche, l’évolution dans ma manière de communiquer et d’utiliser l’informatique en tant qu’historien est réelle. D’une part, je suis devenu une sorte de « geek de l’histoire », à la fois par mon activité de blogueur (digitallugdunum.blogspot.com et yannsambuis.blogspot.com) et par mon obsession permanente de la recherche de ressources en ligne (même lorsqu’une version papier d’un document est disponible à la bibliothèque voisine). D’autre part, si j’utilisais déjà l’informatique pour prendre des notes, classer mes archives, trier des données, etc. ; je suis maintenant passé à l’étape suivante sur le chemin du tout numérique, puisque j’imprime beaucoup moins, j’utilise des outils en ligne (zotero, diigo…) et j’appréhende avec à la fois plus de prudence et plus de confiance les contenus en ligne.

Comment décidez-vous quelles sont les sources à inclure dans une exposition en ligne ou physique ? Quand est-il approprié d'utiliser des images ? des mots ? des cartes ? des voix ? des sons ? Jusqu'à quel point êtes-vous prêt à laisser les sources parler d'elles-mêmes et quelle part d'interprétation est-il nécessaire d'apporter ?

Je mûris peu à peu ma réflexion sur l’histoire en ligne, avec à la fois un intérêt et une grande prudence sur cette idée de mettre des sources en ligne. Actuellement, mais ce n’est certainement que temporaire, je dirais que tous les types de documents peuvent être utilisés pourvu qu’ils soient soit accompagnés d’outils permettant de les analyser et de les interpréter, soit mis au service d’une réflexion, avec donc une interprétation donnée (idée de donner de la profondeur à un écrit).
Sur ce point, et en particulier pour ce qui est de la comparaison entre numérique et « physique », je préfère cependant réserver mon avis. Je manque en effet d’expériences concrètes comparables à ma pratique de l’histoire numérique très orientée vers la transmission.

Y a-t-il des situations où vous avez estimé que vous étiez confronté/e à quelque chose de complètement nouveau ? des situations où vous avez pu utiliser votre expérience ou des connaissances et improviser à partir de là ?


Je ne pense pas pouvoir parler de quelque chose de totalement nouveau en termes de technique et d’outils. Dans ce domaine, j’ai pu m’inspirer assez largement de mon expérience sur internet autour de mes différents projets musicaux. En revanche, je dois admettre qu’en termes de pratiques, j’étais loin de soupçonner que l’usage de l’informatique ouvrait autant de perspectives pour l’historien. Notamment, les projets comme Valley of the Shadow, même si je ne suis toujours pas entièrement convaincu par le concept m’ont, au premier abord, tout bonnement sidéré.


Quel genre d'historien pensez-vous être ? Quel genre d'historien voulez-vous être ?

Il y a quelques mois, je me serais sans doute défini comme un historien du politique « militant », au sens où j’entends bien persister dans mon analyse des représentations politiques lyonnaises et remettre au centre de la réflexion dans ce domaine le « grand homme », ce qui, me semble-t-il, est loin d’être admis par la majorité des historiens français. Aujourd’hui, mon intérêt pour le numérique ajoute une autre dimension à ma perception de moi-même en tant qu’historien. Outre l’utilisation des outils et de nouvelles méthodes, l’approche de la digital history a réveillé et renforcé mon intérêt pour la transmission du savoir. A tel point qu’aujourd’hui, je ne conçois plus la pratique de l’histoire sans transmission, sans enseignement, et donc sans vulgarisation. Car celle-ci n’a rien de vulgaire au sens où on l’entend aujourd’hui. A une époque où le grand public se passionne pour l’histoire, comme le prouve le succès des documentaires historiques à la télévision, transmettre – et vulgariser – est sans doute le devoir le plus noble et le plus absolu de l’historien, et ceci tout simplement pour que la pratique de l’histoire ne soit pas vaine.
           
S’adapter au public ?

Cette idée m’amène à évoquer la question de l’adaptation du discours de l’historien au public visé.
J’ai cité à plusieurs reprises, sur mon blog, les paroles d’Edouard Herriot – objet de mes recherches avec lequel mon empathie grandit de jour en jour – pour qui « il ne faut jamais abaisser son enseignement si l’on parle devant le peuple »[1]. A mon sens, il n’est ni nécessaire ni souhaitable de simplifier son propos lorsqu’on s’adresse à un public large. Eviter d’utiliser un langage trop technique et s’exprimer clairement doivent suffire à rendre accessible au plus grand nombre le discours historique et scientifique en général. En outre, le numérique offre dans ce domaine des possibilités intéressantes, rien n’empêchant de renvoyer à des pages explicatives lorsqu’on utilise des concepts difficiles. Il faut toutefois noter que cet usage de l’hypertexte implique d’accepter qu’un article puisse ne pas être lu intégralement.
Pour minimiser ce risque, la meilleure solution me semble être la publication de textes courts, ce que j’essaie de mettre en place sur mon projet Digital Lugdunum. Ce n’est cependant pas une obligation, certaines idées nécessitant un développement plus long. Dès lors, la maîtrise des procédés narratifs est essentielle au vulgarisateur. Si, en définitive, le pur chercheur, si tant est que cette espèce existe, peut – doit ? – se dispenser de faire du style, le « professeur » - ce terme me semble pus élégant que « vulgarisateur » – se doit d’écrire bien, de savoir capter l’attention de son public. C’est ce que je tente parfois de faire en proposant des articles écrits sur un ton plus humoristique. Il est ainsi courant que les documentaristes demandent à des acteurs de devenir narrateurs – on peut citer Mathieu Kassovitz pour Apocalypse, série documentaire à succès sur la Seconde Guerre mondiale diffusée sur France 2 en 2009.  

Bonne lecture et à demain !


[1] Edouard HERRIOT,  Jadis, Tome I, Paris, Flammarion, 1938, p. 139-140

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